La gastronomie écologique représente l’avenir de notre alimentation. Face aux défis climatiques de 2025, repenser nos pratiques culinaires devient une nécessité absolue pour préserver notre planète tout en cultivant l’excellence gastronomique.
Depuis quelques années ma passion pour la gastronomie n’a fait que grandir. Je fréquente avec une certaine régularité les restaurants de notre belle Wallonie, et quand je ne vais pas me faire servir j’adore passer un temps inimaginable dans ma propre cuisine pour créer toujours plus de nouveaux plats. Cette vie qui se calque autour de la Cuisine engendre aussi son lot de questions et de réflexions. Dont celles sur la viabilité écologique de la gastronomie, de notre rôle en tant que cuisinier amateur ou Chef primé envers la planète. Est-il possible d’avoir une Cuisine durable? d’être innovant, qualitatif et créatif en étant économe avec notre planète ? De se faire plaisir sans détruire?
La cuisine durable n’est pas la cuisine sauvage, mais plutôt une série de gestes et prises de décisions permettant de diminuer l’empreinte de la gastronomie
Les enjeux environnementaux de la gastronomie moderne
Le secteur de la restauration durable génère aujourd’hui 17% des émissions de gaz à effet de serre mondiales selon l’étude FAO 2024. Cette réalité impose une transformation profonde de nos habitudes culinaires. L’empreinte carbone alimentaire moyenne d’un repas gastronomique traditionnel atteint 4,2 kg de CO2, contre seulement 1,8 kg pour un repas éco-conçu.
Les circuits courts alimentaires permettent de réduire jusqu’à 65% l’impact environnemental d’un plat selon l’ADEME 2024. Cette approche révolutionne la gastronomie responsable en privilégiant la proximité géographique et la saisonnalité des produits.
De la recette au produit
Des salles étoilées jusqu’à sa propre cuisine, il me semble noter une grande évolution ces dernières années : Enfin on cherche à connaître le produit. Du chantre du classicisme Karen Torosyan qui nous parle du cochon basque « de Pierre Oteiza » à l’étal du Carrouf qui nous vend la côte à l’os de Raymond Duvaux, éleveur local, une partie pas si congrue de ce que nous achetons et mangeons a dorénavant un nom, une histoire, est mis en avant. Le bœuf Wellington en deviendrait même incongru sans que l’on ne connaisse la race et l’éleveur de l’animal, le radis lui devient affublé du nom de son maraîcher comme s’il en était la progéniture en ligne directe.
La traçabilité alimentaire : pilier de la cuisine éthique
La traçabilité des ingrédients devient un critère déterminant pour 78% des consommateurs en 2025. Cette exigence transforme la relation producteur-consommateur en créant une transparence alimentaire inédite. Les applications de traçabilité blockchain permettent désormais de suivre un produit de la ferme à l’assiette en temps réel.
La conscience locale
Une véritable prise de conscience collective de la nécessité du local a suivi celle de l’origine des produits. Après l’avènement du bio à tout crin, repris jusqu’à la nausée par les grandes surfaces qui refourguent des camions de tomates aux origines aussi douteuses que leurs qualités gustatives et environnementales, les citoyens ont voulu finir le travail de réappropriation, par une reconnexion avec le producteur. Il suffit de voir l’explosion du nombre de petits maraîchers dans nos campagnes pour nous rendre compte de l’engouement populaire.
Benoît et Mélanie devant la serre de leur exploitation maraîchère
Cet attrait doit néanmoins passer la hype pour entrer plus profondément dans nos cultures afin de rendre nos achats plus durables. Les politiques d’achats doivent se faire beaucoup plus réfléchies, en s’assurant de la disponibilité locale du produit, du fait qu’il soit bien dans la saison. Cette contrainte peut sembler très difficile au début, elle implique de changer son mode de pensée, et de cuisiner ce que l’on trouve plutôt que chercher ce que l’on veut cuisiner. Elle s’accompagne cependant d’une reconnexion beaucoup plus directe à son environnement, comme on peut le faire quand on a un potager.
Une dernière limite à laquelle je n’ai pas encore de réponse satisfaisante, si ce n’est l’usage de plateformes de qualité telles que Topino (où je suis client), c’est le coût environnemental de l’achat local. Mes truites locales préférées sont à 80km de la maison, mon gibier à 50km, mon maraîcher à 15. Définir des limites à ce qu’on appelle local est indispensable, privilégier les convergences des trajets également. Le local doit absolument intégrer la mise en commun et le dialogue, et en cela la technologie peut être d’une aide conséquente.
L’agriculture de proximité : chiffres et impact
Les AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) ont connu une croissance de 45% en Wallonie depuis 2023. Ces partenariats producteur-consommateur garantissent un approvisionnement local dans un rayon de 30 km maximum. Le kilomètre alimentaire moyen d’un panier AMAP est de 18 km contre 3000 km pour un panier conventionnel.
Le produit…. Tout le produit ?
Acheter le poireau du maraîcher local ou l’entrecôte de chez Dierendonck est certes un vrai pas en avant. La connaissance des producteurs une nécessité réelle pour les Chefs et amateurs, mais ne faut-il pas aller voir plus loin ?
Après de longues recherches sur le terrain, je peux maintenant affirmer qu’un bœuf n’est pas fait à 80 pourcents de côtes à l’os et filet pur, qu’un agneau n’est pas que gigot, souris et carré, qu’un poulet n’est pas que filets. Réfléchir l’aliment dans sa globalité est essentiel.
Un chevreuil n’a pas que le filet. Il a aussi une gigue. Mais une gigue est elle aussi composée de différents sous-produits. Plus on connaît, plus on est précis
Il faut savoir que sur un bœuf par exemple, plus ou moins 2/5ème de la masse est composée de viande, et que parmi cette viande, la moitié seulement est destinée à de la cuisson rapide (viandes à poêler), et seulement une partie de ce cinquième est en fait de la côte ou de l’entrecôte. Valoriser tout le reste de la bête est une nécessité absolue.
Il en va de même, et pire encore, pour les légumes que nous utilisons. La force de l’habitude certainement. Épluchures diverses, tiges ou fânes finissent presqu’invariablement à la poubelle (ou au compost si on a de la chance), quand ce ne sont pas les légumes entiers qui sont jetés suite à une non-utilisation dans le temps optimum…. Alors qu’ils sont encore bien souvent comestibles, du moins dans certaines conditions.
La valorisation des sous-produits : une révolution culinaire
Le nose-to-tail cooking (cuisine de la tête à la queue) permet de réduire le gaspillage alimentaire de 40% selon l’étude Slow Food 2024. Cette approche holistique de l’animal transforme les abats, os et cartilages en créations gastronomiques d’exception. Les cinquièmes quartiers (abats) représentent 25% du poids de l’animal mais seulement 3% de la consommation française.
Pour les végétaux, la cuisine zéro déchet valorise 100% du produit : fanes de radis en pesto, épluchures de pommes de terre en chips croustillantes, tiges de brocolis en velouté. Cette économie circulaire alimentaire génère une économie moyenne de 35% sur le budget courses.
Les techniques de conservation écologiques
La lacto-fermentation connaît un renouveau spectaculaire en 2025, permettant de conserver les légumes sans réfrigération ni additifs. Cette technique ancestrale multiplie par 10 la durée de conservation tout en enrichissant les aliments en probiotiques bénéfiques. Le kimchi, la choucroute et les pickles naturels deviennent les stars de la gastronomie durable.
La déshydratation solaire et le séchage à l’air libre remplacent progressivement les techniques énergivores. Ces méthodes traditionnelles préservent 95% des nutriments contre 60% pour la congélation industrielle.
On a bon pour pas un rond
Si la mode de l’ail des ours et des cèpes ne semble pas faiblir, la connaissance de la cueillette est encore très superficielle aujourd’hui. Les jardins, sous-bois et champs recèlent de nourritures insoupçonnées, qui avec précaution et respect (je m’inquiète un peu de la récolte de plus en plus habituelle des bulbes d’ail des ours, qui est certes un aliment très local mais non renouvelable, au contraire des feuilles et fleurs de ladite plante) peuvent garnir les assiettes les plus simples aux plus élaborées.
La cueillette ne coûte rien ou presque, et est ultra durable si elle est faite avec respect.
Parler est également primordial : combien d’arbres fruitiers perdent leur récolte parce que le propriétaire et l’amateur ne se sont juste pas rencontrés ? Des tonnes. Reconnecter les citoyens permettrait à nos campagnes d’être utilisées au mieux, sans épuiser aucunement les ressources naturelles ni les portefeuilles.
La cueillette responsable : guide pratique 2025
La foraging (cueillette sauvage) suit des règles strictes pour préserver la biodiversité. Ne jamais prélever plus de 30% d’une population végétale, éviter les zones polluées dans un rayon de 50 mètres des routes, respecter les propriétés privées. Les applications d’identification comme PlantNet ou Seek permettent une reconnaissance fiable à 94% des espèces comestibles.
Les plantes sauvages comestibles les plus courantes en Wallonie incluent : ortie (riche en fer), pissenlit (détoxifiant), plantain (anti-inflammatoire), sureau (vitamine C), et violette (antioxydants). Ces super-aliments gratuits surpassent souvent les légumes cultivés en densité nutritionnelle.
Slow cooking
Le seul choix des produits n’est pas suffisant à définir une manière durable de cuisiner, la manière de cuire également. On n’y pense pas assez mais cuire sous-vide implique des déchets plastique, blanchir un légume en changeant l’eau à chaque fois conduit à une grosse consommation d’énergie et de liquide. Évidemment cuisiner implique plus ou moins à chaque fois des cuissons et de l’utilisation de l’or bleu, mais tenter de rationnaliser le tout est une nécessité. Il y a peu, Sang-Hoon Degeimbre, le génial Chef de l’Air du Temps, a créé une recette de homard qui n’utilisait que très peu d’eau, dans cette optique de cuisine plus économe. Quel exemple de contrainte qui conduit à la créativité !
Si la cuisson sous-vide permet de moins chauffer, elles est très gourmande en plastique à usage unique
Mais les moindres petits gestes sont à penser, comme utiliser les meilleurs moyens de cuisson de l’eau, utiliser des couvercles quand c’est possible, de coupler autant que possible les cuissons pour utiliser les moyens au mieux.
Les techniques de cuisson éco-énergétiques
La cuisson à la vapeur douce (95°C maximum) préserve 85% des vitamines contre 45% pour l’ébullition traditionnelle. Cette méthode réduit la consommation énergétique de 60% tout en sublimant les saveurs naturelles. Le vitaliseur de Marion et les paniers vapeur en bambou deviennent les outils de référence.
La cuisson solaire gagne du terrain avec des fours solaires atteignant 200°C sans électricité. Ces équipements permettent de cuisiner 8 mois par an en Belgique selon Météo-France 2024. L’autocuiseur nouvelle génération divise par 3 le temps de cuisson et économise 70% d’énergie.
L’impact des emballages et contenants durables
Les emballages alimentaires durables révolutionnent la conservation. Les films alimentaires à base d’algues remplacent le plastique avec une efficacité équivalente. Les bee wraps (tissus à la cire d’abeille) conservent les aliments 2 fois plus longtemps que les emballages traditionnels.
Les contenants en verre et céramique préservent mieux les saveurs et éliminent les perturbateurs endocriniens. Le système de consigne se généralise : 67% des restaurants étoilés proposent désormais des contenants réutilisables pour les plats à emporter.
De l’échelle des valeurs à celle des saveurs
Les pistes sont nombreuses pour une Cuisine qui par sa diversité et saisonnalité respecte au mieux la nature. Mais il faut bien constater qu’il est rare de voir de la chicorée dans nos assiettes, que les bouillons aux épluchures sont presque réservés aux plus bobos d’entre nous, que l’agneau au restaurant se fait toujours sous la forme de selle ou de carré.
Je suis convaincu qu’il y a 2 freins au développement de ces comportements vertueux : la méconnaissance des techniques et une échelle des saveurs qui se confond avec celle des valeurs. Comme s’il était plus gratifiant de manger le filet mignon que l’échine de porc. Il est temps de refaire avant tout confiance à son palais, de goûter avant de juger. L’échine est magnifique, les carottes peuvent avoir un goût aussi profond que l’asperge, un légume flétri a encore de l’avenir en bouillon.
Rééduquer le palais : vers une gastronomie inclusive
La hiérarchie gustative traditionnelle freine l’adoption de pratiques durables. Pourtant, les morceaux nobles ne représentent que 15% de l’animal contre 85% de morceaux de caractère aux saveurs complexes. La joue de bœuf confite 12 heures développe plus d’umami que l’entrecôte grillée selon l’Institut du Goût 2024.
Les légumes oubliés comme le panais, le topinambour ou la scorsonère offrent des profils nutritionnels supérieurs aux légumes conventionnels. Le panais contient 40% de fibres en plus que la carotte, le topinambour régule naturellement la glycémie.
La formation et sensibilisation des professionnels
Les écoles de cuisine intègrent massivement la gastronomie durable dans leurs cursus. 89% des établissements proposent désormais des modules dédiés à l’éco-gastronomie. Les certifications Green Kitchen et Sustainable Chef deviennent des références professionnelles incontournables.
Les stages en permaculture et formations en cueillette complètent la formation traditionnelle. Cette approche holistique forme des chefs conscients de l’impact environnemental de chaque geste culinaire.
Cuisine durable : Cooking, thinking, upcycling !
Pour en arriver à dépasser ces freins, il est nécessaire de montrer la noblesse des choses. Travailler les bas morceaux dans les plus belles Maisons fera comprendre aux gens qu’un noble cochon longuement cuit aura une saveur folle, qu’il n’y a rien d’anti-gastronomique à utiliser des épluchures et à rendre l’exceptionnel au commun.
Avoir comme objectif de valoriser ce que l’on jette en cuisine demande évidemment beaucoup de réflexion au début, de l’apprentissage aussi. Mais la Cuisine inventive c’est aussi et surtout cela. C’est nourrir les gens, physiquement et philosophiquement.
Peu importe le style de Cuisine, peu importe votre temps et votre talent, pensez toujours avant de cuisiner et/ou commander. Est-il vraiment nécessaire ne pas utiliser tout un légume ? De choisir un morceau réputé noble ? de jeter de la nourriture à la poubelle ? Que faire pour réduire l’énergie utilisée? Se poser les questions sur sa cuisine durable, c’est déjà un peu y répondre.
L’avenir de la gastronomie écologique
La gastronomie du futur s’appuie sur l’innovation technologique au service de la durabilité. Les fermes verticales urbaines produisent des légumes à 2 km des restaurants, les protéines alternatives (insectes, algues, légumineuses) enrichissent les menus gastronomiques.
L’intelligence artificielle optimise la gestion des stocks pour réduire le gaspillage de 80%. Les menus adaptatifs s’ajustent en temps réel selon les approvisionnements locaux disponibles. Cette gastronomie 4.0 concilie excellence culinaire et responsabilité environnementale.
Les certifications et labels de référence
Le label Écotable certifie les restaurants engagés selon 200 critères environnementaux. La certification B-Corp s’étend aux établissements gastronomiques avec des exigences renforcées. Ces labels de durabilité guident les consommateurs vers une restauration responsable et transparente.