Le Rhône, plus que n’importe quel autre fleuve, voit son nom et ses méandres intimement liés aux vins. De sa source valaisanne jusqu’à l’embouchure méditéranéenne, il traverse diverses régions viticoles, dont celle qui lui est directement référente, celle des vins du Rhône qui s’étend approximativement de Vienne à Avignon.
Cette longue bande rhôdanienne est dotée de multiples appellations, des plus génériques aux plus exceptionnelles. Il suffit de rappeler les noms de Côte-rotie, Châteauneuf du Pape et autres Hermitage pour émerveiller tout amateur de vin qui se respecte. Mais l’une d’entre elles nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui. Une appellation multiple, peut-être méconnue eu égard à la qualité des vins qui y sont produits, exclusivement en coteaux, l‘appellation de Saint-Joseph.
Rhône Nord, Rhône sud, un contexte
Le Rhône est découpé en 2 grandes entités vinicoles : la Vallée du Rhône Nord (septentrionale) et la Vallée du Rhône Sud (méridionale). Pour très synthétiquement différencier les 2 concernant les vins rouges, nous pourrons dire que le Rhône Nord est le paradis de la Syrah en mono-cépage, largement plantée en coteaux tandis que le sud est le paradis des vins d’assemblage (Syrah, grenache, mourvèdre, etc.) issus d’un nombre important de différents sols et terroirs.
En bouche, toujours en généralisant plus que de raison, nous pouvons dire que le Rhône Nord offre des vins avec une assise tannique plus fine, encore marquée par une certaine fraîcheur nordique et parfois de la vivacité tandis que les vins du Rhône méridional seront plus riches en alcool, plus charpentés et aux arômes plus confits.
3 cépages pour une AOP
l’AOP Saint-Joseph est assez facile à décrypter en terme de cépages. Un autorisé en rouge et 2 en blancs. La célèbre Syrah fait la loi dans toute l’appellation en vins rouges (légalement, 10% de blancs peuvent être ajoutés aux rouges mais ça ne semble pas vraiment faire partie des usages) tandis qu’en blanc les inséparables Marsanne et Roussane sont autorisées, en assemblage ou séparément, pour produire du -trop méconnu- Saint-Joseph blanc.
Saint-Joseph, passeur de Rhône
L’appellation Saint-Joseph est une longue bande de plus de 50 kilomètres jouxtant la rive droite du Rhône, dans la partie Septentrionale du vignoble. Bordée par Condrieu au Nord et Cornas au Sud, l’AOP couvre une grande partie du Rhône nord.
L’histoire de cette AOP a été agitée, avec divers remaniements, qui ont conduit à une exclusion de l’AOP des terroirs moins qualitatifs. Malgré ses 50 kilomètres de long, on peut même dire que la géologie des lieux n’est pas trop hétérogène, largement portée par des sols granitiques plus ou moins décomposés. Cependant, et les structures de vins en sont bien marquées, certaines poches calcaires sont également présentes dans l’appellation. Si une trame évidente des sols existe, rien n’est jamais simple en matière de vin !
Cette grande AOP est peut-être la plus intéressante pour montrer les effets du passage du nord vers le sud sur les vins. Grâce à une faible diversité de cépages et de sols, grâce au fait que les vignes soient toutes du même côté du Rhône et qu’il n’y ait pas (ou très peu) de vins de plaine, le facteur climatique peut dès lors plus facilement être pris en compte pour comprendre l’effet qu’il peut avoir sur un type de vin. Du Nord au Sud de l’Appellation , nous pouvons dès lors dire que Saint-Joseph est le passeur de Rhône, celui qui peut faire danser délicatement dans sa robe de dentelle ou marquer fermement sa présence un rock viril.
Des vins à découvrir
Durant mon court séjour à Saint-Joseph, j’ai eu l’occasion de découvrir ou de redécouvrir pas mal de vins de l’appellation, et voici une sélection de crus qui ont attiré mon attention, avec une petite analyse toute personnelle… couleur par couleur.
Saint-Joseph Blanc
J’avoue mon inculture totale sur les Saint-Joseph blancs, qui ne représentent qu’une faible partie de la production de l’appellation . Après 2 jours de dégustations, je répartirais la production en 3 secteurs : Les blancs de soif à l’acidité un peu en retrait, portés par la rondeur de la Marsanne en tentant d’éviter tout excès, les blancs “virils” qui eux jouent sur de plus grosses matières, avec des amertumes parfois plus poussées, et enfin les “grands” blancs qui sont “sur le fil” et qui arrivent à allier grand corps à buvabilité et complexité arômatique dès la jeunesse. Ces équilibres sont assez propres à Saint-Joseph, et ils méritent de l’intérêt car ils offrent de belles possibilités d’accords sur des crustacés un peu riches en général.
Saint-Joseph Rouge
La diversité est vraiment de mise avec les Saint-Joseph rouges dégustés. Ils montrent dans tous les cas une belle capacité de garde, et en règle générale les rapports qualité-prix sont vraiment corrects pour la typicité que nous avons pu établir. Si la nécessité de connaître le type de Saint-Joseph que l’on achète est criante, pour ne pas se retrouver avec un monstre de puissance sur un filet de veau ou au contraire un Saint-Joseph tout léger sur un gros gibier, ces vins se font d’excellents compagnons de table, assez dociles d’ailleurs!
Quelques réflexions sur l’appellation
Saint-Joseph, sous ses airs “simples” est donc une appellation bien plus complexe qu’il n’y paraît à appréhender. Elle souffre un petit peu d’un déficit de notoriété sur les tables de restaurants et de passionnés, en partie dû au fait qu’elle n’a pas vraiment misé dans le passé sur la parcellisation de son vignoble, du moins sur la communication autour de terroirs spécifiques. Il y a, d’après ce que je ressens, une volonté néanmoins de remettre certains lieux-dits en avant, d’aller au-delà de la simple communication sur l’AOP communale. Ils auraient raison d’aller un peu dans cette voie, tout en préservant l’image de l’appellation en générale, car le niveau général était très satisfaisant.
Par ailleurs, j’ai pu noter une très belle coopération entre les plus petits domaines et les quelques très grandes maisons de négoce de l’appellation, il y a une bonne entente basée certainement sur le “win-win”… avec peut-être les coopératives en victimes, car si les têtes de pont de celles-ci se mettent à leur compte en vendant une partie de la récolte au négoce, les Coop en pâtiront certainement. Mais c’est de leur business interne je dirais….
Adresses et conseils d’achat…
Pour terminer cet article, voici quelques adresses et producteurs que je recommanderais assez chaudement… Tout est centré vers Tournon où nous séjournions !
Je ne renseigne normalement jamais les hôtels et restaurants. Mais je suis tombé sur 3 adresses (merci Granit! ) juste bien dans leur contexte. L’hôtel de la Villeon où nous logions a le vrai luxe du non standardisé. Un anti-Hilton. Un ancien hôtel particulier récemment rénové avec beaucoup de goût, avec le souci de préserver l’âme (même au détriment d’une pointe de confort sonore parfois) qui rend le séjour unique. Le genre d’endroit dont on se souvient, où l’on rêve de prendre le petit-déjeuner (de très haute facture). Le luxe des sentiments, pas des algorithmes.
Niveau restaurant, nous sommes allés dans ce qui doit être les 2 adresses sympathiques de la ville je suppose… En tous cas 2 belles adresses au rapport qualité-prix bien étudié. Le restaurant Le Cerisier le premier soir où la Cuisine va à l’essentiel des choses, avec des produits de qualités, locaux, très bien cuisinés sans en ajouter des tonnes.
Bistronomique comme ils disent. Leur carte des vins semble de belle facture, et le service des plus agréables. Idéal pour passer des soirées entre amis. Et le lendemain, au restaurant Le Tournesol, la cuisine se voulait plus travaillée, et si certains décors d’assiette sont un poil chargés à mon goûts, il y avait beaucoup de précision dans quelques cuissons, de très belle qualité… et quant au vin, leur carte est en ligne, et donne envie !